Pour une commande spéciale, je dois réaliser une jupe en velours XVIIè siècle avec des plis canons, appelés aussi tuyaux d’orgue et « cartridge pleats » en anglais. C’est sur la dénomination anglaise qu’on trouve le plus d’articles sur le web.
Voici la technique expliquée en quelques lignes.
Il faut commencer par tracer sur le haut de la jupe des lignes parallèles et marquer les emplacements pour le passage des fils. On travaille sur l’envers du tissu et j’utilise un stylo-craie et une petite règle de patchwork pour être précise et rapide.
Le projet n’est pas 100% historique, et par conséquent, le bord du tissu est surjeté à la machine, car ce n’est pas possible de travailler le velours sans cette opération préliminaire. De plus, compte tenu de l’épaisseur du tissu et de la longueur disponible, il n’est pas possible de faire un repli sur le bord haut et il faudra donc travailler directement sur le bord surjeté au moment du montage de la ceinture.
Ensuite, il faut donc marquer les intervalles régulièrement comme ceci:
Comme le tissu est assez épais et que j’ai une jupe de 3.60 m de large environ, j’ai choisi de faire des espacements d’environ 3 cm. Sur la photo, ma règle est en pouce…. (héritage d’un passage à l’étranger).
J’ai opté pour 3 lignes de fils, la première à 0.5cm du bord, et les autres séparées de 1cm. Pour le rendu que je souhaite, c’est suffisant, mais sur des tissus plis fins ou selon ses envies, on peut faire plus de lignes.
Une fois les repères marqués, il suffit de passer les fils, une fois dessus, une fois dessous comme ceci :
Il est important de prendre un fil d’un couleur proche de celle de la jupe car le fil va rester en place une fois le tissu plissé. Il faut également utiliser un fil solide car il doit maintenir le tissu. Dans mon exemple, j’ai utilisé un fil double (Coats 100% polyester) car le velours est lourd.
Enfin, on tire les fils et voilà le résultat:
Je conseille à tous de faire un petit essai d’environ 6 à 8 plis pour avoir une idée de la largeur obtenue car il est toujours difficile de calculer précisément la largeur finale de la jupe. Dans mon cas, je me suis rendue compte que 3 cm c’était trop long et j’ai corrigé.
Bien sûr on peut poser son équation mathématique en disant j’ai 1 mètre de tissu de x mm d’épaisseur, je fais des plis de y centimètres et quand je fais N plis, j’ai 2N fois l’épaisseur et j’utilise Ny centimètres de tissu, mais là, je sens que la majorité va être complètement découragée par les calculs, même en faisant un beau dessin explicatif. Alors il suffit de faire simple et de faire un petit essai. Par contre, il faut savoir au moins faire une règle de 3….
Avec un petit dessin, on comprend mieux:
On va donc noter que 1 pli complet utilise 5 cm de tissu (distance de A à C), donc 6 plis demandent 30 cm et donnent une largeur finie de 4.9 cm, en ne les pressant pas trop les uns contre les autres. Sur les premières photos, j’avais fait des plis de 6 cm mais je suis revenue à cette mesure pour arriver à un résultat plus satisfaisant esthétiquement et tenant compte de ma longueur de tissu disponible.
Attention, je compte bien 6 plis complets et pas seulement 6 boucles avant de tissu. Comme je dois faire une jupe de 68 cm de tour de taille, et que je garde 12 cm non plissés à l’endroit de la fermeture (devant, car c’est plus simple à fermer soi-même et que c’est caché par la pièce d’estomac du haut), il me faut donc (68-12)=56 de longueur finale plissée et donc 56/4.9 = 11.43 fois 6 plis, soit 68.58 plis au total on arrondi à 68.5 car le 1/2 pli m’arrange bien.
Si on veut faire 2 côtés symétriques, on voit bien qu’un nombre entier de plis ne fonctionne pas, il faut ajouter 1/2 pli pour avoir cette finition:
c’est pourquoi 68.5 me convient très bien. Donc au total : 68.5 x 5 cm pour la zone plissée + 12 cm pour la partie centrale = 354.50cm.
Lors des essayages pour que la taille soit bien ajustée, on peut toujours jouer sur la largeur de la partie sans pli ou serrer un peu plus les plis.
Si le tissu est fin, il faut plus de métrage si on veut des plis aussi larges car il faut un nombre plus important de plis pour arriver à produire de l’épaisseur. On peut aussi insérer des mèches de coton entre les plis pour les maintenir espacés dans les serrer.
Le résultat est le suivant :
Pour que les plis ne bougent pas, il faut encore les maintenir en place ensemble en utilisant un point arrière.
On voit ici que les bords sont simplement surjetés. Il y a 3 raisons : le coût de la prestation, la longueur et l’épaisseur du tissu fourni. Lorsqu’on fait un projet, il y a un budget à respecter et il faut parfois faire des choix en termes de finition. Ici, les extrémités surjetées. Un fois les plis montés sur la ceinture, on le verra à peine et c’est donc un choix pertinent quand le costume ne doit pas être parfaitement historique.
La seconde raison c’est l’épaisseur du tissu. Il s’agit d’un velours d’ameublement récupéré et si on retourne le tissu pour que le haut soit plus joli, on a beaucoup d’épaisseur et donc moins de plis, ce qui a été jugé moins esthétique et surtout, on a moins de hauteur de jupe et donc impossible de faire une jupe trop courte, car il faut laisser un beau repli pour l’ourlet.